Se lancer dans le développement d’un jeu vidéo demande beaucoup de connaissances techniques et peut souvent paraître abstrait. Pour se rapprocher un peu plus du réel, Campus des Ecoles est allé interviewer un groupe de jeunes créateurs en pleine élaboration d’un nouveau jeu.

    Je pense qu’il serait une bonne idée de commencer par vous présenter. Que pouvez-vous me dire de vous, de votre parcours ou de vos motivations ?

     

    Loeiz :

    Je vais commencer je pense. Je suis Loiez, je suis 2ème année d’une école sur 5 ans en spécialisation Jeu vidéo/Game Art. Au niveau de notre projet, je m’occuperai de la modélisation 3D, des textures et matériaux.
    Je me suis mis au gaming vraiment assez tard. Je n’ai pas eu de console de jeu avant 11 ans, même si vers mes 7 ans j’ai eu une DS à la maison. Cela m’a cela dit toujours beaucoup intéressé. Mes parents étaient peintre et infographistes, alors ils avaient aussi un regard assez curieux vers le jeu vidéo, bien que critique.
    J’ai beaucoup été inspiré par l’univers du jeu flash, surtout par site Newgrounds (devenu plus tard le studio The Behemoth). J’ai beaucoup aimé leurs jeux un peu arcade, avec des univers bourrins, très inspirés de comics. Il y a un peu aussi le rêve américain derrière, cette vision du petit studio indé qui peut percer et devenir connu qui m’influence, avec suffisament d’effort. Mais, j’évite quand même de me faire des illusions.
    Je trouve que l’art dans le jeu vidéo c’est quelque chose qu’il faut beaucoup plus mettre en avant. Il y a une performance artistique, une recherche visuelle à fournir et des messages à faire passer.

    Carla :

    On est tous dans la même école, alors comme Loeiz. Moi je me spécialise dans le scénario et le narrative design.
    A la base je voulais venir dans cette école pour faire du scénario. Depuis toute petite je voulais être écrivaine, créer mes propres histoires. Puis, quand j’ai fait les portes ouvertes de cette école, j’ai découvert la filière animation et jeu vidéo, et ça m’a intéressé parce que c’était nouveau pour moi.
    J’ai commencé à jouer assez tôt, j’avais une Wii et une Gameboy petite, et j’ai commencé avec des jeux un peu simples du genre Animal Crossing. Le gaming était mal vu dans ma famille et j’ai dû convaincre mes parents de me laisser faire cette école d’ailleurs, qui ont accepté lorsqu’ils ont vu que j’étais vraiment sérieuse.
    En grandissant j’ai commencé à me diriger vers des titres plus compliqués, avec des univers plus riches, comme The Witcher, Halo ou Sea of Thieves. Des jeux plus porté sur l’action mais aussi plus contemplatif avec des trames très intriquées.
    J’aime les jeux ou il faut creuser pour comprendre ce qui se passe. Ce que j’aimerais faire c’est me concentrer sur le lore, vraiment développer des personnages en profondeur, créer une trame historique, faire en sorte que l’univers du jeu soit hyper développé. Des jeux plus pour les vétérans que pour les enfants donc.

    Louise :

    Quant à moi je vais être la principale Art Designer du projet. J’aime beaucoup dessiner et faire de la 2D, mais le gros des besoins pour le jeu vidéo passe surtout par la 3D alors c’est plus vers ça que je me dirige.
    J’ai voulu faire de l’art depuis que je suis doute petite, je dessinais beaucoup très tôt. J’ai du coup voulu me lancer dans le graphisme après mon lycée et j’ai visité des écoles pour ça sur Paris. Ils s’occupaient surtout de choses comme la création de sites, et j’étais pas très emballée…
    Puisque j’aime le dessin, j’ai voulu faire illustratrice, mais c’est vraiment un métier où c’est très dur de percer. En parallèle, je me suis rendu compte que j’avais toujours baigné dans le jeu vidéo et que j’avais fait plusieurs jeux qui m’ont beaucoup marquée. Je me suis alors dis, pourquoi ne pas travailler dans ça.
    J’ai hésité un moment à travailler dans le film d’animation, mais je trouve que le jeu vidéo est un média beaucoup plus intéressant. Le fait d’incarner un personnage permet de transmettre des messages beaucoup plus impactant. Si c’est bien fait tu deviens le personnage, tu le suis pendant des heures et des heures.
    Au niveau de mes inspirations, j’ai beaucoup aimé les œuvres de Yoko Taro (Nier, Drakengard) ou des jeux comme Gris : des jeux très philosophiques, contemplatifs, avec une esthétique très belle. J’ai aussi une culture très japonaise et anime, avec pas mal de JRPG comme Final Fantasy XV, qui communiquent beaucoup d’émotions.

    Parlez moi un peu de votre projet, où en êtes-vous. Comment s’appellera votre jeu pour commencer ?

    Loeiz :

    Pour l’instant, nous n’avons pas encore de nom précis. On a hésité sur plusieurs propositions mais aucune n’a réelle accroché, alors on a juste un nom de projet bateau. Nous préférons vraiment solidifier notre idée avant de nous décider, par rapport à l’histoire, à comment ça va se jouer etc.
    Nous en sommes encore au stade de conceptualisation. On a commencé par effectuer pas mal de brainstorming et la préproduction.
    Par rapport à ce que nos professeurs nous ont conseillé, on a du coup commencé à monter un Game Design Document. Pour l’instant on y a regroupé une partie narration et tout ce qu’on va faire dans le gameplay. En ce moment, on fait beaucoup de recherches pour vraiment déterminer le style qu’on va utiliser.

    Louise :

    Pour l’instant Carla et notre coéquipière Marie sont en charge de chercher un peu une histoire et du lore, tandis que moi et Loeiz sommes en train de chercher au niveau du graphismes, ce qu’on va faire. Pour l’instant on préfère mettre à plat toutes nos idées, puis quand on aura plus confiance et un peu plus d’expérience vraiment lancer la production.

    Avez-vous une idée de à quoi ressemblerait votre jeu vers la fin ? Quel genre de jeu comptez-vous créer ?

    Loeiz :

    Ouais on a un style de jeu. On voudrait faire un roguelight un peu… pas contemplatif, mais reposant.

    Hugo :

    Paradoxal pour un roguelight.

    Loeiz :

    Oui, mais reposant dans l’atmosphère qu’on voudrait créer. Mais effectivement en tant que roguelight, ça va être un peu porté sur la survie et la difficulté.

    Carla :

    On pensait un peu à un jeu style FTL (Faster Than Light), ou on a des moments calmes avec du texte et d’un coup il y a un combat et de l’action.

    Loeiz :

    Oui, ce serait un peu porté sur la gestion. L’idée du jeu c’est que le joueur serait une sorte de robot qui va devoir manager, prendre soin de sortes d’animaux robotiques dont il se sert pour avancer et se faire un chemin. Sans trop en révéler sur l’histoire, l’idée ce serait d’être une sorte de bédouin robotique.

    Carla :

    On appelle ces animaux des « mules » justement. Le joueur va devoir gérer combien il en a avec lui, leurs points de vie et les siens, il faut qu’il les répare, qu’il les entretienne… Je pense qu’on va faire un jeu plutôt difficile dans l’absolu.

    Avez-vous une idée du style graphique que vous comptez adopter ?

    Loeiz :

    Au niveau des graphismes, on crée encore pas mal de concept arts, mais on pense s’orienter vers un style « lowpoly ». Une grosse inspiration pour moi a été Bad North et les travaux d’Oskar Stålberg en général, qui a un style très particulier quant il s’agit de dessiner des maisons. Parfait pour la vue isométrique.
    Quant aux paysages, ce sera une sorte de terre dévastée, un peu post-apocalypse. On aimerait bien pousser sur ce côté contemplatif avec de très beaux décors mais minimalistes.

    Je vois que vous avez une idée assez précise de ce que vous voulez faire, mais quel a été votre point de départ pour vous décider ?

    Carla :

    On est pas partis d’une idée en particulier. On a commencé à se dire qu’on voudrait faire un jeu ensemble puis on a fait des réunions pour trouver vers quoi se diriger.
    Dans les premières réunions, on a commencé à se demander quel type de jeu on allait faire, et faire pour chacun des premiers jets : si on fait un RPG dans quelle monde ça se passe, etc… Il a fallu aussi déterminer les limites de ce qu’on pouvait faire, étant donné qu’on est encore en train d’apprendre.
    On a donc préféré quelque chose de simple, qu’on pouvait commencer à réaliser avec le niveau qu’on a aujourd’hui plus les connaissances qu’on va acquérir.
    On a dû faire trois réunions de mémoire avant de savoir ce qu’on allait faire…

    Loeiz :

    Je crois qu’on en a fait plus.

    Carla :

    Bref, au bout de quelques réunions on avait développé un peu tous les types de jeu qu’on voulait faire sous la forme d’une liste : roguelight, survie, RPG etc… Puis, pour chaque type de jeu, on a commencé à imaginer précisément ce qu’on aurait pu faire dessus, niveau concept, histoire etc…
    On a ensuite choisi par processus d’élimination et l’idée du roguelight était celle qui revenait le plus souvent. Loez avait donné une idée vraiment bonne et ça avait plu à tout le monde, alors c’est vers là qu’on s’est dirigé après avoir mélangé nos idées.

    A un niveau plus technique, quels sont les logiciels que vous comptez utiliser ?

    Loeiz :

    Pour le Game Engine, on s’est décidé sur Unreal Engine, la version gratuite mais avec des royalties. C’est le logiciel principal qu’on a pris pour l’instant et ça nous paraît être le plus simple pour plusieurs raisons. Déjà parce que la manière de coder et de programmer est la moins compliquée trouvable sur des logiciels pros, et c’est aussi celui qui est le plus utilisé dans l’industrie par défaut. Il est assez polyvalent pour faire ce qu’on veut.

    Carla :

    A notre niveau on a plus ou moins tout ce qu’il faut savoir. On apprit à coder, à mapper, à gérer les lumières, les rendus, faire du post-process, de la brume, des ambiances… L’autre option était RPG Maker, mais elle a vite été abandonnée. C’est vraiment plus pour des jeux de niche en 2D, pas exactement ce qu’on recherchait.

    Louise :

    Au niveau graphisme, et surtout donc graphisme 3D, on va surtout utiliser des logiciels de modélisation comme Maya LT pour la plupart des modèles. Pour des techniques un peu plus fines et du sculptage vraiment détaillé, je sais aussi utiliser ZBrush. C’est vraiment les deux gros logiciels qu’on a appris à maîtriser à l’école.

    Je vois que votre équipe n’a pas réellement de programmeur ou de personne dédiée au code. Cela va-t-il être un problème ?

    Loeiz :

    Effectivement je pense parler pour tout le groupe, mais je crois bien qu’aucun d’entre nous n’aime coder et ça va être un problème à un moment. On a des bases toutefois.

    Louise :

    On a de potentielles personnes qui vont pouvoir nous aider au coding, mais dans l’absolu on ne sait pas encore ce dont on aura vraiment besoin.

    Loeiz :

    Ça va beaucoup dépendre du moteur sur lequel on développe notre jeu surtout. Dans l’absolu on est pas obligé de s’y connaître à mort en codage. Et puis tout s’apprend.

    Carla :

    Unreal Engine le logiciel qu’on connait le mieux maintenant pour mapper, et on peut faire pas mal de choses avec peu de besoins au niveau du code.

    Est-ce que ce projet est une obligation de votre école ? Une sorte de gros examen pour terminer votre parcours ?

    Carla :

    Non, ce jeu va être un projet qu’on fait à part, vraiment pour nous, et qu’on aimerait bien finir avant la fin de nos études. Ça s’ajoute en parallèle aux projets et devoirs à produire dans le cadre de notre école. On espère même pouvoir toucher une petite rémunération, histoire d’avoir quelque chose dès qu’on sort de l’école.

    Loeiz :

    On va devoir produire quelque chose plus tard pour la cinquième année alors on a préféré commencer un peu plus tôt pour avoir un jeu avec au moins des bases solides. Si tout se passe bien, on pourra aussi faire d’autres projets avec la même équipe, et pourquoi pas un studio en devenir ?

    C’est probablement encore loin, mais comptez-vous garder votre équipe en indépendant ou utiliser un éditeur plus tard ?

    Loeiz :

    C’est une question un peu compliquée. Il va nous falloir plus de détails, mais si j’ai bien compris, puisque nous sommes encore dans une école, toutes nos productions reviennent à elle si nous utilisons son matériel ou ses licences.
    Pour l’instant on est dans le flou. On ne sait pas si l’école nous édite, si on aurait le droit à une rémunération ou si l’école récupère nos droits. Ils pourraient aussi s’en servir pour faire la présentation de leur école mais nous laisser les droits… Ça va être quelque chose qu’on va devoir rapidement déterminer.

    Et en supposant que vous l’effectuiez en dehors de l’école ?

    Loeiz :

    Personnellement, je préfèrerais me faire éditer

    Carla :

    Ah, moi c’est l’inverse, je préfèrerais l’indépendance mais… bon courage. En vérité on a pas assez de connaissance et on préfère remettre ça a plus tard, quand on sera mieux renseignés sur le sujet.

    Louise :

    Je serais plutôt pour l’indépendance aussi.

    Qu’en est-il de la question du budget ?

    Loeiz :

    Là encore, la question de l’école ou non se pose. Le gros avantage c’est surtout qu’ils ont déjà toutes les licences payées et qu’on peut utiliser comme on veut, pareil au niveau des assets. Ça fait qu’on n’a en théorie pas à se soucier du coût matériel.
    On compte finir ce projet sans réelle rémunération avant la fin de nos études. Pour l’instant aucun d’entre nous n’a de réels besoins au niveau finance. Au niveau de la production, on ne compte rien acheter d’autre et on voudrait tout faire nous-même. Si c’est possible ou non, il faudra voir plus tard, mais voilà pour nos prévisions.

    J’ai la chance de parler à deux modélisateurs. Pouvez-vous me décrire rapidement comment procéder pour créer un modèle ? Un des robots de votre jeu par exemple.

    Louise :

    Alors on va déjà commencer à réfléchir au personnage en lui-même. Sa forme va beaucoup changer en fonction du type de personnage ou de son rôle.
    Ensuite, selon la méthode qu’on apprend à l’école, on commence à dessiner plusieurs silhouettes sous différents angles sur papier avant se commencer à restreindre sur celles qui sont les plus intéressantes.
    Moi je suis un peu bourrine. Normalement il faudrait en faire une trentaine et je n’en fais que genre 5 avant de passer vraiment aux détails.
    Ensuite, on commence à tracer des traits un peu plus fins, puis on passe à la colorisation. Essentiellement on va faire des petit concept arts. J’aime beaucoup modéliser des armes, comme des épées, alors par exemple, une fois que j’ai dessiné une base, je repasse les formes et je numérise l’image pour la continuer sur Maya. Le processus se fait presque toujours de la 2D vers la 3D.

    Loeiz :

    Comme Louise a dit, c’est vraiment tout un workflow pour établir le character design. On peut directement transformer un dessin en un modèle 3D qu’on va ensuite retravailler, remodeler comme de l’argile. C’est assez bizarre parce que ça demande un certain style, comme pour le dessin. C’est vraiment une compétence qui s’apprend. On commence généralement par Maya pour la forme, puis on passe sous ZBrush pour le peindre, faire quelques aspects plus précis et pour l’animation.

    Auriez-vous quelques derniers conseils à donner à de futurs créateurs ? Par rapport à votre expérience et aux difficultés que vous rencontrez aujourd’hui ?

    Loeiz :

    Essayez d’avoir très vite une vision professionnelle du domaine. Beaucoup de gens en école de jeu vidéo se la font payer par leurs parents et la prenne seulement comme une extension du lycée.
    C’est plus que ça en revanche. Ça compte vraiment pour votre avenir et il faut prendre ça sérieusement, rendre des travaux et des devoirs qualitatifs. Tout ce que vous faites tôt durant votre formation vous servira de portfolio pour plus tard.

    Carla :

    Je dirais pour moi qu’il faut garder une bonne hygiène de vie. Vous allez parfois faire plus de 30h de travail par semaine plus vos projets personnels et vos devoirs. Cela dit, ce n’est pas une raison pour que ça gratte sur votre temps de sommeil. Ne faites pas de nuit blanche et reposez-vous bien.

    Louise :

    Il faut vraiment être passionné et ne pas hésiter à beaucoup se renseigner, à la fois sur des idées tirées d’autres jeux comme sur le marché. C’est aussi important d’avoir pas mal de références sur la culture ou des connaissances scientifiques. Il arrive assez souvent qu’on a une idée et qu’en rétrospective, en cherchant un peu, on se rendre compte que ça n’a pas de sens ou que ce n’est juste pas réaliste.Si vous souhaitez intégrer les métiers liés au monde du gaming et de la création vidéoludique, Campus des Ecoles vous propose des formations spécialement dédiées aux métiers du numérique.
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