La création d’un jeu vidéo est une tâche complexe dont l’ampleur peut sembler écrasante tant il y a d’éléments à réaliser. Bien que cela ne soit pas totalement faux, l’industrie vidéoludique a développé plusieurs méthodes appliquées dans le secteur entier pour faciliter ce processus.

 

 

La création d’un jeu vidéo relève bien plus de l’art que de la science. Les jeux viennent en effet sous de nombreuses formes et échelles, et cherchent à aborder de nombreux concepts. Il ne s’agit pas d’un simple produit à réaliser à la chaîne : chaque œuvre est unique et va avoir ses propres besoins et priorités en ce qui concerne sa création. Il n’existe donc pas réellement de recette miracle pour une réussite garantie, vous devrez vous adapter à votre projet.

 

Cependant, il existe des bases sur lesquelles élaborer. Après plus de 40 ans d’histoire et d’expérience, le secteur du jeu vidéo a su mettre au point ses propres méthodes pour guider les développeurs, servant de colonne dorsale pour de nombreux projets créatifs et souvent chaotiques.

 

Dans cet article, nous vous proposons d’étudier les étapes clés de la création d’un jeu afin d’aider les futurs travailleurs du jeu vidéo à mieux se préparer aux standards de l’industrie qui les attend.Aussi appelée « high concept » par nos amis anglais, il s’agit de l’étape précédant toute tentative de création. Elle est réalisée en interne entre les game designers principaux ou, dans les projets à plus petite échelle, entre les membres clés de l’équipe. Une équipe qui navigue d’ailleurs à effectifs minimaux à ce stade.

 

Le high concept a principalement comme objectif de répondre à la question : En quoi consistera le jeu ? Il s’agit à terme d’avoir une idée générale mais solide du type de jeu qui sera créé : la manière dont il sera joué, les mécaniques récurrentes, le cœur de gameplay, les grands thèmes abordés, le setting de son univers, son scénario…  Bien qu’il faille garder les pieds sur terre, s’il y a une étape dans laquelle il faut se montrer ambitieux c’est celle-ci, car tout est encore malléable à souhait.

 

Un bon point de départ peut consister à placer votre projet dans les grandes cases du genre du jeu vidéo : Il peut s’agir d’un jeu d’action, d’un RPG, d’un jeu de gestion. Puis, déterminez les points qui lui permettront de se démarquer et d’apporter sa propre touche mémorable.

 

Vous pouvez vouloir partir d’un setting particulier et le traduire en mécaniques de jeu ou bien faire l’inverse : partir d’un concept de jeu et lui créer une coquille appropriée. Subnautica est un bon représentant de cette première méthode et Shadow of the Colossus de la seconde.

 

A la fin de ce processus, vous devez avoir une idée solide du jeu que vous et votre équipe souhaitez créer, du moins, assez pour pouvoir la présenter dans ses grandes lignes pour l’étape suivante. Nul besoin en revanche d’être extrêmement précis sur tous les aspects de votre futur jeu ; vous n’êtes simplement pas en mesure de prévoir suffisamment loin depuis ce stadeLe Pitch est une étape où il vous faudra déjà commencer à « vendre » votre jeu, ou plutôt l’idée générale derrière celui-ci. Votre objectif est de parvenir à lever des fonds pour commencer la production, ce pourquoi il va vous falloir convaincre un public de l’ambition et du sérieux de votre projet.

 

 

C’est à partir de cette étape qu’il faudra vous décider de vous placer sous l’aile d’un éditeur ou de vous lancer en indépendant.

L’éditeur de jeu vidéo, tout comme son équivalent littéraire, est fondamentalement une entreprise qui achète des projets et les finance jusqu’à leur floraison. Un éditeur peut répondre à la grande majorité des besoins d’un studio : salaires, matériel, personnel, marketing… Il est donc plus ou moins essentiel pour les projets à grande échelle. Le pitch est essentiel ici car sans son aval, rien ne se fait !

 

Vous n’avez besoin de personne pour commencer en tant qu’indépendant, et certains démarrent sur les chapeaux de roue… Mais vous avez tout de même besoin de fonds ! Préparer un pitch est toute de même fortement recommandé si vous voulez pouvoir recevoir des financements, que ce soit de la part d’une banque, d’aides de l’état et de la région ou bien via financement participatif (Kickstarter, Indiegogo…). Savoir présenter son projet et montrer son sérieux est essentiel pour gagner la confiance de ces investisseurs.

 

Le pitch en lui-même n’est qu’une version élaborée et structurée de votre projet pensé dans l’étape précédente, présentée oralement avec un support visuel. Vous devez exposer succinctement (entre 5 à 20 minutes) en quoi votre jeu est intéressant, la manière dont il se joue et l’expérience joueur visée.

 

Si vous en êtes capable, vous pouvez également présenter vos premiers plannings et budgets prévisionnels ainsi que vos idées concernant le marketing. A ce stade, on s’attend à ce que vous puissiez présenter quelques premiers avancements : il peut s’agit de concepts arts, de prototypes généraux ou même, idéalement, une mini-bande annonce du rendu idéal visé.

 

A titre d’exemple, voici le pitch proposé en 1994 par Condor Inc. pour un jeu nommé Diablo, qui est depuis devenu une des licences phares de Blizzard Entertainment.Une fois la levée de fonds réalisée, vous devez avoir une meilleure idée des ressources à votre disposition. Une seconde évaluation prend alors place où il s’agit de confronter les idées proposées dans le high concept à la réalité. Cela ne se fait pas forcément de manière négative : il arrive régulièrement qu’un studio se retrouve avec bien plus de fonds qu’il ne le pensait (comme après un Kickstarter explosif), lui permettant d’ajouter plus de contenu que prévu à l’origine !

 

C’est alors qu’intervient la rédaction du Game design document. Il s’agit en quelque sorte la feuille de route principale du projet, « la bible du développeur » diront certains. C’est une charte dans laquelle vont se fixer progressivement les aspects immanquables du projet, au départs vagues puis se solidifiant de plus en plus au fur et à mesure du développement du jeu.

 

Le Game design document répertorie tout ce que le jeu devrait être, son rendu final idéal. A l’intérieur sont répertoriés toutes les mécaniques de jeu prévues, les backgrounds, une ébauche générale du scénario ainsi qu’une charte graphique afin d’établir une cohérence artistique. Très rapidement ces exigences vont prendre la forme d’une gigantesque « to-do list », répertoriant toutes les pièces du puzzle nécessaire à son assemblement.

 

A un niveau purement matériel, ce document liste également le planning prévu pour le jeu, les logiciels utilisés, répertorie le personnel qui travaillera sur le jeu et fait l’inventaire des compétences possédées par l’équipe.

 

Au départ relativement malléable, le but de ce document est d’assez rapidement se figer et d’agir comme une ligne directrice pour soumettre un projet cohérent à toute une équipe. Si son utilité peut paraître symbolique dans une petite équipe indépendante bien organisée, il peut être essentiel dans des grandes structures regroupant des centaines d’employés.

 

Vers la moitié de la phase de production, le document est souvent considéré « publié » : on arrête alors de le modifier et d’ajouter du contenu et on se tient aux tâches à réaliser en priorité.Il peut être difficile de tout planifier de manière théorique, ce pourquoi les studios élaborent très souvent des prototypes afin de playtester au préalable les idées à inclure dans le jeu.

 

Ces prototypes sont très grossiers, souvent réalisés sur papier afin de gagner du temps, ce qui implique généralement de jouer avec des figurines ou de rouler les dès pour les effets aléatoires. Plus tard dans le développement, des versions digitales incomplètes peuvent être crées pour tester des aspects plus techniques, tels que la visée ou le platforming.

 

L’objectif de ces prototypes est de tester au préalable les idées de game design en cherchant à reproduire rapidement une situation similaire à celle qui sera éprouvée par le joueur. Les essayer directement, même par ce procédé imparfait permet de faire ressurgir naturellement les difficultés à prévoir et les propositions d’amélioration à apporter. Les lignes principales d’un jeu sont ainsi fréquemment testées en introduisant de nouvelles variables, ce qui permet notamment d’écarter les mauvaises pistes ou celles trop difficiles à mettre en place.L’étape de production commence lorsque toute l’équipe (ou presque) est recrutée et présente pour commencer le développement.

 

Un jeu vidéo est fondamentalement l’alliance de nombreuses compétences techniques et artistiques différentes mêlées en un seul projet cohérent. Ce pourquoi très souvent la production d’un jeu vidéo ne se fait pas réellement de manière linéaire mais sous forme de couche : le personnel se divise par sections travaillant chacune sur des aspects clés dans les domaines qu’elle maîtrise.

 

Dans le cas d’un studio indépendant, ces frontières sont floues. Les membres d’une petite équipe doivent apprendre à être multitâches et à savoir jongler avec plusieurs aspects très différents d’un même jeu.
Dans le cas de gigantesques productions, au contraire, c’est la spécialisation qui prime. Le rôle d’un développeur durant tout le processus de production peut ainsi être de seulement se concentrer sur un niveau ou de réaliser parfaitement une dizaine d’ennemis et rien d’autre. Un exemple extrême mais réel peut être retrouvé dans le développement de Batman Arkham Asylum, où le président du studio a confié à la EuroGamer qu’un des développeurs avait passé deux ans à travailler exclusivement sur la cape du héros.

Designer

Ces spécialistes ont pour objectif de travailler sur l’expérience de l’utilisateur et le concept même de jeu. Ils sont ainsi responsables des décisions concernant le gameplay, les mécaniques de jeu, l’univers abordé et élaborent une idée générale du style artistique.
Si on peut penser que le gros de ce travail de design se fait en amont, ces professionnels ont toujours du pain sur la planche plus tard. Une fois la production commencée ils auront encore beaucoup de décisions à prendre au niveau de l’histoire, des mécaniques de jeu, du design des ennemis, des cinématiques, de la structure des niveaux, des changements scénaristiques… Leur travail est en constante évolution car ils doivent régulièrement réévaluer leurs plans en fonction de l’avancement des programmeurs et des contraintes techniques.

Programmeurs

Ces équipes d’ingénieur forment les muscles de l’équipe sans lesquels rien ne se fait. Ils ont comme rôle de coder le jeu dans son ensemble ainsi que tous les éléments qui le composent en fonction des demandes des designers. Il s’agit sans doute de la section demandant le plus de travail, de temps et d’employés, car tout ce qui se produit dans le jeu passe ultimement par elle.
En vrac, les programmeurs se chargent de l’élaboration des intelligences artificielles, de la physique du jeu (collision, gravité, vitesse de déplacement…), du scripting (jouer les bonnes cinématiques et musiques au bon moment…), de l’interface, de la mise en place des éléments de gameplay et des mécaniques de jeu

Level designer

Le travail d’un level designer est proche de celui d’un game designer, mais plus spécialisé. Il est chargé de construire précisément les mondes dans lesquels le joueur va évoluer ; il est ainsi responsable du placement de chaque pierre, allié, ennemi et powerup. Son objectif est de travailler avec les designers afin d’étudier comment rendre chaque épreuve intéressante, bien construite et intuitive, puis avec les programmeurs afin de l’implémenter concrètement et correctement dans le jeu.
Les niveaux sont sans doute une des parties les plus malléables et sujettes à changement du processus de développement. Les level designers travaillent souvent avec des outils fantômes, des graphismes ou mécaniques n’était pas encore finalisées. On les remplace alors par des « placeholders », des éléments de transition (souvent de simples cubes) qui feront l’affaire en attendant.

Artistes graphiques

Les artistes occupent un double rôle dans le processus de création. Dans un premier temps, ils participent avec les game designers à l’élaboration de l’univers du jeu, notamment en ce qui concerne son style graphique et sa cohérence artistique. Ils sont en partie responsables de la direction artistique, de l’ambiance et de l’apparence générale du jeu.
Cette influence peut être cruciale : Splatoon en est un excellent exemple. Si l’équipe chargée du gameplay a rapidement adopté le concept « paintball » du jeu, il lui manquait un univers visuel pour rendre ce jeu unique. Ce n’est que lorsque les artistes ont décidé d’adopter le design des calamars et de partir vers un univers marin urbain que le jeu a acquis un aspect reconnu aujourd’hui comme iconique.
Lors de la phase de production, les artistes ont principalement comme rôle de réaliser les textures et les décors de fond (background) de chaque élément présent dans le monde : personnages, armes, particules, lumières, décors, ennemis…

Ingénieurs son

Les ingénieurs son ont également du travail : dans le cadre d’un jeu vidéo, on s’attend généralement à la présence une bande originale, l’implémentation de très nombreux bruitages propres à chaque élément ainsi que, pour certains jeux, d’un doublage.
En plus de participer à l’ambiance, les bruitages peuvent être cruciaux pour l’expérience du joueur, servant à la fois d’aide, de guide et d’indices pour les joueurs dans bien des situations demandant des réflexes (jeu de tir, de combat), de la discrétion (jeu de furtivité) ou de la réflexion (puzzle, énigmes)

Testeurs et suivi qualité

Comme tout type de programme informatique, les jeux vidéo sont susceptibles aux bugs, mineurs comme spectaculaires.
Certains créateurs endossent alors le rôle de testeurs qui ont comme tâche de décortiquer tous les éléments du jeu afin d’en déceler les fissures, puis œuvrent à la résolution d’incohérences trouvées au fur et à mesure du développement.Au fur et à mesure du développement du jeu, l’équipe va franchir d’autres étapes, qui vont plus ou moins permettre de quantifier l’avancement par rapport à sa finalisation. Si le jeu est encore loin d’être prêt, cela peut être utile afin de se donner des objectifs vers lesquels tendre, mais aussi pour savoir quand il est possible de communiquer sur le jeu ou de passer en accès anticipé.

 

Phase Alpha

Un jeu entre en phase Alpha lorsqu’il est techniquement jouable, mais encore largement incomplet. Le cœur du jeu et les mécaniques de base sont présents, mais le jeu en est encore à un stade très expérimental, susceptibles à de nombreux bugs et nécessite encore beaucoup d’ajouts de contenu.

 

Phase Beta

Plus avancée, la phase Beta est atteinte lorsque le jeu, bien qu’encore incomplet, est considéré comme présentable au public. C’est généralement vers cette phase qu’on commence à présenter les premières démos ou dans certains cas, à l’ouvrir en accès anticipé.

 

Le concept de beta à quelque peu évolué ces dernières années. Traditionnellement, elle s’accompagnait du « code freeze », à partir duquel aucun ajout n’était effectué et l’équipe se concentrait uniquement sur la résolution de bugs. Si cela est toujours vrai sur certains jeux fermés, beaucoup de titres aujourd’hui continuent à s’agrandir après cette phase.

 

Passer Gold

Le jeu est considéré comme fin prêt, sa sortie est imminente. C’est à cette étape que le marketing atteint son pic et que toute la logistique de production matérielle se met en marche (CDs, cartouches…)

 

Maintenance

Le jeu est sorti, mais cela n’empêche pas certains studios de continuer à travailler dessus. L’équipe est de nouveau réduite et se charge soit principalement de corriger ses bugs et de l’équilibrer, soit elle travaille sur du nouveau contenu (DLCs, extensions…)Voici donc le processus de création type exercé par l’industrie vidéoludique dans son ensemble. Vous aurez sans doute remarqué qu’il garde une relative souplesse d’exécution afin de s’adapter aux inévitables aléas du coding et à la taille des équipes.

 

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