Provenant directement du monde de la bande-dessinée, le cel shading est une technique de texturing régulièrement utilisée par les Game Artists pour sa simplicité et son rendu esthétique très stylisé.

Il peut être bien difficile de réaliser des textures haute définition. Cela nécessite en effet un travail intense de la part des Game Artists qui doivent s’adapter en fonction de chaque modèle pour réaliser des rendus à la fois beaux, flexibles et dynamiques, qui s’adaptent aux mouvements de ces modèles tout en restant artistiquement cohérent avec le reste de l’œuvre.
Il existe cependant une astuce, un petit cheat code utilisé par petits et grands studios afin de grandement faciliter ce travail tout en gardant un rendu visuel plaisant : le Cel Shading.

Les origines du Cel Shading

Si le terme « Cel Shading » désigne aujourd’hui une technique de l’industrie vidéoludique, son principe prend racine dans des techniques plus anciennes.
Il est en effet tiré d’un style de dessin particulièrement populaire dans la bande-dessinée, utilisé pour obtenir des rendus très « cartoon ». On le retrouve par exemple dans de nombreux comics américains, tel que Watchmen ou The Walking Dead, mais aussi dans des créations aux traits bien plus simples comme Astérix et Obélix ou même Tintin.
C’est une technique très simple à appliquer, ce qui en fait son attrait. Il s’agit d’un style où les nuances de couleurs et les ombres projetées par les personnages sont simplifiés à l’extrême par de simples aplats de couleurs, se succédant de manière nette et distinguables. En d’autres termes, il n’y a pas de dégradé ou de jeux d’ombres et de lumière : les contours sont prononcés et les couleurs sont plus ou moins vives en fonction de leur exposition aux ombres. Le relief quant à lui est généré principalement par les détails apportés aux contours et la manière dont certaines sections sont éclairées.
Particulièrement présent aux commencements de la bande-dessinée, on se rendra compte aujourd’hui que la plupart des productions de haute qualité privilégient des rendus plus photoréalistes, notamment grâce au dessin par ordinateur.

Le Cel Shading dans le jeu vidéo

Il peut donc sembler étonnant de voir ce concept être repris dans le jeu vidéo, particulièrement dans ceux prenant place en trois dimensions ; c’est pourtant là que ce style prend tout son sens !
Dans le jeu vidéo, le cel shading est utilisé comme une technique de texturing, ce pourquoi il peut être bon de faire un léger rappel sur cette technologie.
Essentiellement, dans le moteur d’un jeu, les différents objets qui composent une scène ont certes une existence virtuelle, interagissant avec les autres éléments afin d’en constituer le gameplay, mais n’ont pas pour autant une apparence graphique « naturelle ». Il est nécessaire de les habiller en quelque sorte d’une peau qui permettra de leur donner une existence visuelle.Un modèle 2D ou 3D (une caisse, un mur ou un personnage par exemple) n’est qu’une forme géométrique plus ou moins lisse. Les textures quant à elles sont simplement des images haute définitions qui vont venir se plaquer contre ces surfaces telle une peau.
Elles donnent ainsi, comme leur nom l’indiquent, une texture, un certain relief camouflant la réalité numérique au cœur du jeu vidéo.Le cel shading vidéoludique revient ainsi à appliquer les techniques précédemment énoncées aux textures des éléments qui composeront un jeu.
On va gommer la plupart des détails qu’auraient un dessin photoréaliste, on trace les couleurs sous forme d’aplats et on ira même souvent jusqu’à grossir les traits et les contours.
En d’autres termes, on transforme les modèles 3D arrondis pour les réduire à leur essence et leur donner l’air de provenir tout droit d’une feuille de dessin.

Les avantages de cette technique

Le cel shading est un style très intéressant lorsqu’il est appliqué dans le jeu vidéo, permettant de réaliser des productions artistiques poussées relativement facilement. On l’utilise principalement dans la création de jeux 3D. Il est tout à fait possible de l’inclure pour des productions en 2D à base de sprites, mais son impact est bien moins flagrant. On aura tendance à y privilégier des dessins plus travaillés.

    Une identité visuelle forte

    Utiliser le cel shading permet de donner assez facilement à un jeu un aspect proche de celui d’un dessin animé, comme si chaque scène du jeu était dessinée à la main par des artistes traçant les planches plus ou moins à la va-vite.
    Bien que ce style ne s’adapte pas à tous les genres de jeux, notamment ceux souhaitant épouser des aspects plus réalistes, il dénote néanmoins d’un certain parti pris artistique. Il permet, ne serait-ce que par structure, de facilement donner une identité visuelle spécifique à une œuvre et peut servir de point de départ pour l’inspiration de Game Artists.

      Un style facile à réaliser

      Le cel shading est créé par l’effacement volontaire de nuances, privilégiant la simplicité pour créer des structures plus stylisées. Bien qu’il s’agisse d’un style de dessin en réalité assez travaillé, demandant un grand soin dans la direction artistique et la cohérence des différents modèles qui composent l’œuvre, sa réalisation en elle-même est relativement simple.
      Le travail des Game Artists reposant en grande partie dans la création d’innombrables textures composant les moindres aspects d’un jeu, un style cel shading bien réalisé en amont représente un gain de temps colossal sans pour autant tronquer la qualité artistique du projet final.

      Des graphismes moins gourmands

      Il est bien plus facile de compresser et de montrer des images simples que des images complexes, lourdes en détails. Dans l’histoire du jeu vidéo, on a régulièrement vu le cel shading être utilisé comme une astuce permettant de diminuer la charge de calcul demandée par un jeu. Cela a permis notamment l’apparition de projets ambitieux sur des machines qui auraient autrement eu des difficultés à les accueillir.
      Malgré les gigantesques bonds dans la puissance du hardware contemporain, ces considérations sont loin d’être obsolètes. Les développeurs ont tout intérêt à essayer de garder leur jeu léger afin :

      • D’améliorer sa stabilité
      • De pouvoir être joué sur des configurations plus modestes
      • De pouvoir rediriger ces ressources vers d’autres améliorations graphiques (la distance de vision, les particules, etc…)

      Des implémentations hybrides

      Contrairement au Pixel Art cependant, cette technique permet beaucoup plus facilement de « tricher », en incluant dans certains décors des textures plus travaillées sans pour autant que cela ne jure trop graphiquement parlant.
      Il n’est donc pas nécessaire d’appliquer un cel shading sur chaque élément d’un jeu.

      The Legend of Zelda : The Wind Waker

      The Wind Waker est régulièrement vu comme un des premiers jeux à s’être essayé avec succès au cel shading, notamment grâce aux performances graphiques apportées par la Gamecube. Cherchant à s’éloigner des apparences plus sérieuses mais aussi plus maladroites des premiers Zeldas 3D apparus sur Nintendo 64, il s’agit d’un revirement radical vers une esthétique cartoon.
      Ces changements se reflètent d’ailleurs dans tous les éléments du jeu, à la fois dans les décors, les ennemis et le design des personnage ; tout y est extrêmement stylisé.

      The Legend of Zelda : Breath of the Wild

      Se voulant lui aussi comme une petite révolution dans son genre, Breath of the Wild a hérité du style artistique apporté par son ancêtre avec un cel shading particulièrement prononcé au niveau des ombres.
      Il peut être intéressant de voir l’évolution effectuée en 10 ans : alors que The Wind Waker était volontairement parodique et grossier dans son approche, Breath of the Wild prouve que le cel shading peut aussi être utilisé pour des graphismes bien plus fins et détaillés. Cela se retrouve notamment dans les motifs et la complexité des modèles qui y sont relativement élaborés.

      La saga Borderlands

      Si le cel shading a été utilisé dans les deux exemples ci-dessus pour des raisons d’optimisation, dans le cas de la saga des Borderlands, il s’agit d’un choix graphique entièrement délibéré, inspiré de comics post-apocalyptiques comme Mad Max. Prévoyant à l’origine de partir sur des graphismes plus réalistes, c’est un cependant court-métrage d’animation nommé « Codehunters » qui inspira l’équipe à opter pour cet aspect aujourd’hui iconique.

      The Walking Dead par Telltales

      Telltales, studio peu connu durant des années et se spécialisant dans les adaptations de licences populaires en jeu vidéo narratif, a connu un véritable boom lorsqu’il s’est penché sur The Walking Dead.
      Visant à reproduire fidèlement l’œuvre, elle aussi réalisée par des techniques de cel shading, le studio adopta au passage ce style dans sa formule et le réutilisa pour la grande majorité de ses autres adaptations.
      Il fut d’ailleurs d’une grande aide pour les développeurs, devant en particulier animer de très nombreux visages de visages, car elle permet un rendu volontairement cartoonesque et des expressions très marquées.

      Les fondamentaux : comment dessiner en cel shading ?

      Réaliser un jeu en cel shading n’est pas une décision qu’il faut prendre tard dans le développement : s’il est possible de convertir certains assets dans ce style particulier, il est préférable de l’épouser le plus rapidement possible ou de s’en abstenir.
      La difficulté de cette technique réside principalement dans la décision du style à adopter plutôt que la manière de l’implémenter. Son but n’est pas tant de servir de béquille pour faciliter la création de textures, mais plutôt de catalyseur afin de donner une identité visuelle à une œuvre. Il s’agit surtout d’un travail réalisé en amont du développement, lors de la création du Game Design Document, facteur décisif de la cohérence artistique.
      Il est ainsi possible de jouer sur certains facteurs afin d’appuyer plus ou moins le côté cartoon : la forme et la structure des visages, des yeux, l’utilisation de couleurs plus ou moins chatoyantes ou l’épaisseur des traits.

      Adapter les textures

      Il est tout d’abord nécessaire d’adapter chaque modèle au style approprié, ce qui passe par un travail de leurs textures.
      Généralement, l’artiste va dans un premier temps tracer son dessin comme il l’entend, en se focalisant particulièrement sur les contours de ce qu’il souhaite créer. Certains styles de cel shading tendent à épaissir plus ou moins lourdement les traits qui composent ces images. Cela se voit notamment au niveau des plis de la peau ou du visage : les arêtes et les angles y sont particulièrement soulignés.
      Il ne devrait y avoir aucun ou très peu de dégradés de couleurs : les textures fonctionnent principalement par des aplats séparés par des traits ou d’autres couleurs plus spécifiques. Les séparations entre ces éléments sont la plupart du temps nettes, mais il est possible d’appliquer un léger flou pour adoucir le rendu.
      Enfin, une fois ce travail effectué, il est possible de voir une seconde couche (layer) ajoutée sur le modèle pour produire divers effets : terre, crasse, poussière, liquides…
      Notez qu’à quelques exceptions près, les textures ne devraient pas incorporer de jeux d’ombres en elle-même, ces dernières sont gérées séparément. 
      Le pixel art est principalement un travail de texture ou de sprite et s’effectue par le biais d’un simple logiciel de dessin : Photoshop, Gimp ou Krita. Les pixels seront par la suite appliqués sur un modèle 3D ou animés sous forme de sprite et créeront un personnage ou un élément du background. Dans le cas des modèles 3D cependant, ces derniers servent principalement de base : les textures en pixel art devront s’adapter en conséquence pour suivre leurs mouvements.
      Dans l’absolu, cette technique est aussi simple qu’elle y parait : il suffit de dessiner carré par carré tous les éléments qui composent une image.
      Bien entendu, il existe de nombreux outils et techniques pour faciliter ce procédé. La plupart des logiciels permettent par exemple de découper un canevas en quadrillage afin d’en faciliter la visibilité.
      En fonction du rendu souhaité, il est également possible d’utiliser les différents outils pour appliquer automatiquement des nuances de couleurs sur les cases adjacentes en dégradé plus ou moins prononcés. Cela peut faciliter le travail de l’artiste en créant automatiquement pour lui des textures plus effacées, mais il peut au contraire empêcher ces dépassements pour rendre leurs contours très nets.
      De manière générale, il est également préférable de lutter contre les configurations de base de ces logiciels visant à éviter la pixellisation par des dégradés car c’est exactement le rendu que l’on recherche ici. Il est ainsi possible de changer les options pour privilégier les bords nets (hard edges) ou éviter l’interpolation.
      La véritable difficulté de la réalisation d’un pixel art repose dans deux aspects.
      Dans un premier temps, comme précédemment énoncé, le Pixel Art ne fonctionne véritablement par caricature. Les personnages doivent être marquants, fluides et facilement identifiables par le biais de traits spécifiques. En conséquence, tout manque de détail lors de la réalisation technique doit idéalement être compensé par une direction artistique de qualité, qui vise à créer des environnements et personnages intéressants et bien construits.
      Dans un second temps, particulièrement dans les cas d’animations sous forme de sprite, le Pixel Art ne représente pas forcément toujours un gain de temps. Animer chaque image peut en effet se montrer particulièrement chronophage et plus les animations possèdent d’étapes de transition, plus ce travail s’intensifie.

      Créer des ombres dynamiques en cel shading

      De nos jours, la plupart des game engines possèdent de larges palettes d’outils permettant de simuler des lumières dynamiques efficaces. Il va être cependant nécessaire de les adapter dans le cadre d’un jeu en cel shading afin de modifier la manière dont les ombres sont projetées.
      Il existe de nombreuses variations en fonction des styles en ce qui concerne la gestion des ombres. De manière générale, on aura tendance à privilégier des découpages plus nets, assombrissant les couleurs des modèles sur lesquelles elles tombent.
      Il est toutefois possible de les nuancer, en créant des contours plus flous ou en créant des pénombres plus progressives à certains endroits du jeu. Gardez cependant en tête qu’un des gros atout qui donne au cel shading son impression de relief reste cette gestion de l’ombrage: il vous faudra l’adapter à votre style jusqu’à avoir un rendu satisfaisant.

      Si vous avez comme projet de créer un jeu vidéo en utilisant des éléments 3D, typiquement un platformer ou un jeu action/adventure,  le cel shading est une option à sérieusement envisager. Il peut s’agir d’une méthode de travail utilisée par les Game Artists débutants pour se former sur une réelle expérience avant de diverger vers d’autres styles artistiques.
      A l’inverse du Pixel Art cependant, une excellente maîtrise du dessin et de la direction artistique est recommandée ici. Il s’agit après tout d’un travail rigoureux dans le processus de conceptualisation.
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